Vendée Globe: D'est en ouest, le Sud secoue la flotte
"C'est le grand huit de la foire du trône !". Du nord des Kerguelen aux abords de Bonne Espérance, la flotte du 10e Vendée Globe a été malmenée jeudi par de violentes dépressions appelées à durer, laissant déjà dans leurs sillages un abandon et des doutes.
"Cela monte, ça descend, ça accélère, ça décélère et ce qui est bien c’est qu’il n’y a pas besoin de repasser à la caisse pour racheter un ticket, c’est toute la journée!", a raconté Yannick Bestaven (Maître CoQ V) auprès des organisateurs de la course.
Le tenant du titre est un dur au mal, habitué des conditions musclées, mais le coup de tabac l'a bien secoué. "Le plus compliqué maintenant c’est de faire avancer le bateau là-dedans parce que c’est des montagnes russes(...) La mer est défoncée", a-t-il décrit.
Inséré dans le groupe de poursuivants des deux leaders Charlie Dalin (Macif) et Sébastien Simon (Groupe Dubreuil), le Rochelais, 9e jeudi, a fait le choix il y a quelques jours de contourner la tempête par le nord-est, quitte à perdre du terrain.
Et pourtant, "manger, s'endormir... tout est très compliqué. Il faut faire attention à ce que le bateau ne parte pas en survitesse parce que les vagues sont vraiment grosses", témoigne Paul Meilhat (Biotherm), 8e à une dizaine de milles de Bestaven.
- "Chaque mètre vaut de l'or" -
A 400 milles au sud, près des Kerguelen, ils ne sont plus que deux en tête à garder le cap vers l'est, lancés dans un contre-la-montre pour ne pas être avalés par le coeur d'une tempête, avançant en même temps qu'eux et où les vagues mesurent 10 mètres.
"Je progresse à bonne allure. C'est plutôt pas mal et je suis un peu plus rapide que mes routages", a déclaré Dalin à la vacation du matin. "Fatigué" par une nuit sans sommeil, le skipper normand a réussi à prendre près de 90 milles d'avance sur Simon, mais surtout à maintenir une vitesse élevée malgré les conditions dantesques.
"Il faut que ça tienne, pour l'instant tout va bien mais il faut que ça dure encore 24 heures. Il faut que j'arrive à rester devant et si c'est le cas, quand je vais me faire rattraper (par la dépression), le vent sera un peu moins fort", a prédit le navigateur de 40 ans.
De là à être sorti d'affaire ? "On est loin du compte. Je cavale car chaque mètre gagné vers l'est vaut de l'or. Je fais la course avec la dépression. Il faut que tout se passe bien. On est sur le fil du rasoir, il n'y a pas le droit à l'erreur", a-t-il répondu.
- Un abandon et des doutes -
Pas englouti par la même dépression, le gros de la flotte subissait aussi, bien plus à l'ouest, les conséquences d'une belle tempête australe jeudi autour du Cap de Bonne Espérance, mélangées en prime aux effets de l'imprévisible courant des Aiguilles.
"C'est bien le bordel, j'essaye de protéger le bateau comme je peux mais la mer est atroce. Les vagues viennent de tous les sens. C'est une marmite géante, un truc de fou", s'est inquiété Benjamin Dutreux en fin de matinée.
"C'est indomptable ! J'espère qu'on va s'en sortir correctement de cet endroit pourri", a-t-il espéré.
Appelées à se prolonger jusqu'à samedi, ces tempêtes ont déjà entraîné le deuxième abandon du périple. Dans la nuit de mercredi à jeudi, l'ingénieux Louis Burton a découvert une sérieuse avarie sur un élément mécanique du gréement.
Confronté à d'importants dommages structurels mi-novembre dans l'Atlantique, le skipper de Bureau Vallée avait réussi à réparer seul en mer... pas cette fois-ci. Il a pris la direction du Cap qu'il devait atteindre d'ici samedi, selon les organisateurs.
W.Taylor--HHA