Yacht de Jeff Bezos: consternation sous le pont de Rotterdam
Le pont historique qui bloque le passage vers la mer du yacht du fondateur d'Amazon Jeff Bezos est au cœur de toutes les discussions le long des quais venteux de Rotterdam, où des habitants expriment leur consternation.
Au pied du pont, une habitante d'une péniche s'empresse de fuir l'attention du monde entier que suscite l'ouvrage, monument d'avant-guerre iconique de la ville, partiellement reconstruite après le bombardement de l'armée allemande pendant la Seconde guerre mondiale.
Le pont Koningshavenbrug, connu des Rotterdamois sous le nom de De Hef, constitue le dernier obstacle sur le chemin vers la mer du luxueux yacht de Jeff Bezos, trop haut pour l'ouvrage, malgré son tirant d'air maximum de 46 mètres.
Pour permettre le passage du yacht, il faut retirer temporairement la partie centrale du pont. Or, la municipalité avait promis après une rénovation majeure en 2017 de ne plus jamais démanteler l'ouvrage, classé monument national.
Yolande Ferree, artiste de 62 ans et habitante du quartier, estime que toute l'agitation autour du pont et du yacht et "un peu exagérée". Mais, concède-t-elle, "De Hef est une vieille dame, elle est un peu vulnérable".
Selon le maire de la ville, Ahmed Aboutaleb, la municipalité n'a pour le moment reçu aucune demande de permis du constructeur pour démanteler temporairement le pont.
- "Maison de fous" -
Le yacht est construit dans un chantier naval de la société Oceanco, près de Rotterdam. Pour rejoindre la mer, il doit passer sous ce pont datant de 1878, réparé après avoir été bombardé en 1940, pendant la Seconde guerre mondiale.
Il est trop bas pour le navire à trois mâts du milliardaire américain, un yacht d'une valeur de 430 millions d'euros, selon les médias locaux.
La municipalité prendra sa décision lorsqu'une demande de permis sera bel et bien déposée, a affirmé M. Aboutaleb, en prenant en compte l'intérêt économique et "l'image maritime" de la région, mais aussi la préservation du pont.
"Ici, sur l'île, c'est une maison de fous car tout le monde est complètement confus", exclame auprès de l'AFP Frouke van Loo, une entrepreneure de trente ans.
"Voyons d'abord si cette demande arrivera et si elle est acceptée", et si le démantèlement est "vraiment nécessaire, alors peut-être devrions-nous plutôt être très fiers que le navire vienne de notre port", affirme la jeune femme.
"Incroyable. Au début, je pensais que c'était un poisson d'avril, pour être honnête", lâche Ton Wesselink, président d'une association rotterdamoise pour la protection des monuments historiques.
"Je suis assez choqué", poursuit M. Wesselink, cité par la télévision publique néerlandaise NOS.
"Ce qui m'inquiète, c'est le précédent, car où cela s'arrêtera-t-il?", poursuit-il.
"C'est notre morceau de patrimoine, nous devons en prendre soin", affirme-t-il.
Une partie de la population estime que démonter une partie du pont pour permettre le passage d'un yacht privé va trop loin. Un groupe appelle sur Facebook à jeter des oeufs sur le navire, une initiative "ludique" selon les organisateurs.
"Les gens qui ont beaucoup d'argent devraient comprendre qu'ils ne peuvent pas tout se permettre. Avec cet appel, nous faisons entendre notre voix de manière ludique", commente l'initiateur du projet, Pablo Strörmann, 40 ans, cité par le quotidien Algemeen Dagblad.
Yolande Ferree a une autre proposition : déménager le site du constructeur naval de l'autre côté du pont.
R.Weber--HHA